Les destructions de la Seconde Guerre mondiale, réduisant à néant des centres-villes ou rendant inhabitables bon nombre d’immeubles, aggravent un contexte de pénurie de logements déjà présent. En effet, on dénombrait déjà avant-guerre une forte proportion de logements insalubres et dépourvus de tout confort.
À l’échelle de la France, en 1945, seuls 37% des immeubles disposent de l’eau courante, et seuls 5% des logements comprennent une salle de bain. L’âge moyen des immeubles est élevé, le parc immobilier ne se renouvelant que très lentement. Les origines de l’insalubrité et de la pénurie de logements remontent à la Première Guerre mondiale, période durant laquelle le gel des loyers est décidé par le gouvernement. Par la suite, cette mesure sera à peine assouplie. Conjuguée au ralentissement économique dû à la crise des années 1930, elle sera identifiée comme étant à l’origine de l’insuffisance des investissements. La faible production de logements durant cette période est un facteur déterminant dans la situation d’après-guerre.
En 1945, ce sont au total cinq millions de Français qui doivent être relogés. Eugène Claudius-Petit, ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), met en place en 1950 le Plan d’Aménagement National (PAN), prévoyant la construction de 240 000 logements par an. Les mesures du PAN entraînent de grandes réformes dans les années 1960 et 1970, tandis que la phase de reconstruction s’achève progressivement pour laisser place à celle de construction.
Les recherches en matière d’habitat prennent des formes variées durant les Trente Glorieuses. Des lotissements à Metz et près de Nancy font l’objet de projets novateurs et d’un grand investissement de la part des architectes. Mais la politique du MRU privilégie surtout les logements collectifs et la préfabrication lourde, présentée dans l’article Recherche et innovation : l’industrialisation de l’architecture. Des quartiers d’habitation totalement nouveaux sont ainsi créés dans les centres des villes, dans le cadre d’opérations de reconstruction ou de rénovation urbaine. Le vis-à-vis des tours Joffre Saint-Thiébaut et Saint-Sébastien en forme le symbole à Nancy, tout comme le quartier du Pontiffroy à Metz et les immeubles de l’avenue de Lattre de Tassigny à Épinal. Les périphéries de Bar-le-Duc et Forbach, de Metz et Nancy se dotent également de grands ensembles, parfois mis en œuvre par le biais du dispositif administratif de la Zone à Urbaniser en Priorité (ZUP).
À partir des années 1980, suite aux graves problèmes sociaux apparus dans les grands ensembles, d’autres modèles d’habitat sont imaginés pour retrouver une échelle plus humaine. Les groupes d’immeubles deviennent plus petits et tendent davantage à se fondre dans le tissu de la ville traditionnelle, comme l’illustrent le Village Lobau à Nancy et la résidence construite récemment à Raon-l’Étape. En matière de logement individuel, une nouvelle manière de penser l’habitat apparaît avec la montée de la conscience environnementale. Ainsi, au cours des années 2000 se développent de nombreux projets de maisons respectueuses de l’environnement, souvent réalisées en bois. L’article La maison : un lieu de constantes expérimentations apporte par ailleurs un éclairage approfondi sur les enjeux d’évolution de cette typologie.
COLL., Les grands ensembles, une architecture du XXe siècle, Paris : Dominique Carré, 2011.
DUFAUX Frédéric & FOURCAUT Annie (dir.), Le Monde des grands ensembles, Paris : Créaphis, 2004.
KLEIN Richard (dir.), Les Années ZUP, Architectures de la croissance 1960-1973, Paris : Picard, 2002.
LE CORBUSIER, La Charte d’Athènes, 1943 (réédition Paris : Seuil, Coll. Points, 2016).
Crédit photo : Pierre Maurer/LHAC/ENSA-Nancy © URCAUE Lorraine