Emile Aillaud devient en 1945 architecte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), société pour le compte de laquelle il réalise en 1949 la cité Bellevue à Creutzwald. En 1959, quand la réalisation d’un quartier entier lui est confiée à Forbach, il est considéré comme un architecte expérimenté ayant mené de grandes opérations en région parisienne, comme la Grande Borne à Grigny ou le quartier de l’Abreuvoir à Bobigny.
Le projet pour la Cité du Wiesberg prévoyait initialement la construction de plus de 2600 logements sur un terrain de près de 56 hectares. Le projet effectivement réalisé s’étend sur une parcelle pratiquement deux fois plus petite et comporte 1228 logements, bâtis entre 1960 et 1973. La commande est réalisée en plusieurs tranches : la première, dont les commanditaires sont les HBL et les Charbonnages de France, compte 402 logements ; la seconde, réalisée pour le compte de l’OPHLM de Moselle, permet la réalisation de 602 logements ; la troisième aboutira à la construction de 224 logements pour la Société mosellane d’HLM et la Société civile immobilière de Forbach. En plus des immeubles de logements collectifs, Emile Aillaud réalise également au Wiesberg une église et une école. Il s'adjoint les services de Joseph Rietsch comme architecte d'opération pour mettre en œuvre l'ensemble de cet ambitieux programme.
En 2014, la SNI Sainte-Barbe, bailleur privé, sélectionne une équipe de maîtrise d'œuvre composée de l'Atelier Choiseul et du bureau d'études Ingerop Est pour entreprendre la réhabilitation de ses 198 logements. Outre la divison des consommations énergétiques par 3 - grâce à une isolation thermique par l'extérieur notamment, le projet repose sur une restitution à l'identique de la colorisation d'origine. Les documents d'archives ont permi de retrouver ces teintes, repérées sur un plan. Pour assurer une cohérence d'ensemble lors des futures interventions, leur contretype a été étendu aux immeubles de la cité construits à cette période.
A proximité de l'autoroute et de la forêt, le site intègre le quartier du Wiesberg (périphérie sud de la ville de Forbach). La cité se compose de plusieurs entités urbaines organisées autour d'un espace public. D'échelle, de forme et de fonction diverses, celui-ci est tantôt une place largement ouverte, tantôt un parc paysager intime, une cour, un squarre. Ses limites, plus au moins marquées, sont définies par l'implantation des immeubles dont les courbes sinueuses font parfois place à des dispositions plus orthogonales. Comme à Creutzwald, l’architecte adapte le plan d’ensemble de la cité à la topographie du terrain, resserrant plus au moins l'emprise des entités urbaines en fonction du dénivelé. Il ménage les vues, les conduit, les brise et rompt toute monotonie. Ces choix contrastent avec les projets très géométriques plébiscités à l’époque.
La cité compte 135 immeubles bas de 4 étages, abritant six logements et assemblés entre eux en rubans continus par des rotules de liaison contenant séchoirs et vide-ordures. Ces rubans d'immeubles forment une toile de fond pour les tours de dix étages. Aillaud développe deux typologies de tours : les paraboliques, de plan semi-circulaire, sont disposées au centre de la cité, tandis que celles cintrées, de plan trapézoïdal, délimitent des placettes au cœur de l’espace vert. Leurs murs d'un seul tenant sont réalisés grâce à la technique du coffrage glissant. Des vitrages isolants sans châssis, remplacés par des menuiseries conventionnelles, y sont directement incorporés.
L'architecte imagine avec l’artiste Fabio Rieti une colorisation polychromatique pour renforcer la variété de sa composition urbaine, fondée sur la reproduction sérielle de modules types d'immeubles ; les couleurs originelles ont par la suite été modifiées.
BCA BENOIT CARRIE ARCHITECTURE, La Cité du Wiesberg, Forbach, 1959-1973, Emile Aillaud, Paris:Ministère de la Culture et de la Communication, 2015. (PDF en ligne)
SCHMITT Marie-Sylvie (dir.), AMIAUX Florence, LANDAUER Paul, Moselle Architecture, Le XXe siècle, Cent ans / cent bâtiments, Metz : Serge Domini, 2003.
LEFRANCOIS Dominique & LANDAUER Paul, Emile Aillaud, Paris : éditions du patrimoine, coll. Carnets d'architectes, 2011.
La Cité du Wiesberg, réalisée par l'architecte Emile Aillaud, s'inscrit dans la lignée de la Cité de l'Abreuvoir à Bobigny (1954) et des Courtillières à Pantin (1956) - toutes deux labellisées "Patrimoine du XXème siècle". La conception de ces grands ensembles se démarquent des modèles contemporains de leur époque par l'introduction de lignes coubes et souples, tant dans la définition du plan de masse que dans celle des volumes construits. Pensées à l'image de la cité-jardin où la présence des végétaux est prégnante, les cités s'organisent en une succession d'entités urbaines subtilement intriquées. Chaque entité se structure autour d'un espace public, qu'il s'agisse d'une place, d'une placette ou d'un parc paysager. Comme pour ses autres cités, Emile Aillaud s'appuie sur le savoir-faire de l'artiste Fabio Rieti ; l'homme de l'art compose une colorisation polychromatique associant teintes vives et camaïeux.
Label Patrimoine du XXème siècleReconstruction et Trente Glorieuses (1945-1975)
- Houillères du Bassin de Lorraine (HBL)
- Office Public d'Habitations à Loyer Modéré (OPHLM) de Moselle
- SNI Sainte Barbe Bailleur privé (Réhabilitation de 198 logements)
- Émile AILLAUD Architecte
- Joseph RIETSCH Architecte
- Atelier Choiseul Agence d'architectes-urbanistes chargée de la réhabilitation des logements de la SNI Sainte Barbe
- Ingerop Est Bureau d'études associé à la réhabilitation des logements
- Ashton AZAÏS (Ingénieur)
- Fabio RIETI (Coloriste)
- Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) (Conseil architecture et colorisation/réhabilitation des logements de la SNI Sainte Barbe)
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