Au cours des années 1970, la critique se fait de plus en plus virulente envers l’urbanisme et l’architecture des Trente Glorieuses, particulièrement contre les grands ensembles. Une nouvelle pensée urbaine et architecturale émerge à l’échelle internationale. Elle est notamment inspirée par le livre pionnier de l’architecte italien Aldo Rossi « L’Architecture de la ville » publié en 1966. Désormais, on porte une attention plus grande au tissu traditionnel des villes, et particulièrement aux îlots de logements qui constituent la nappe urbaine première de toute cité. A cela, s'ajoute un nouveau regard sur le rôle symbolique des formes architecturales qui nourrissent l'imaginaire des habitants et des passants.
C'est cette tendance que suit l'architecte Alain Sarfati, ancien enseignant à l'école d'architecture de Nancy, pour cette opération de logements bordant le boulevard Lobau. L’enjeu est de recréer un certain esprit de village tel qu'on le trouve dans l’architecture ancienne, afin que les formes architecturales et urbaines soient au service de « l’habiter » et de l’habitant, et ce, tout en utilisant des techniques modernes telle que l’industrialisation. L'architecte développe ici une nouvelle forme d'urbanité attachée à l'usage ; il mise sur la diversité architecturale comme facteur d'appropriation des logements.
Conçue en 1979 et achevée en 1983, l'opération, qui prend le nom de "Village Lobau", est menée alors qu'Alain Sarfati entame par ailleurs la réhabilitation du quartier du Haut-du-Lièvre.
L’ensemble du "Village Lobau" abrite 144 logements sous forme de petits immeubles. Il se montre particulièrement discret depuis le boulevard, caché par une rangée d'immeubles des années 1900. Une fois son portail franchi, on découvre un réseau de voies piétonnes ponctué de petites places et de jardins s'étendant jusqu'au bord du canal. Le stationnement automobile est relégué en sous-sol. Les allées, accompagnées de pergolas, de plantes et de bancs, desservent des immeubles accessibles par des escaliers extérieurs.
Chaque bâtiment est fragmenté de manière à éviter la linéarité des barres qu'on trouve dans les grands ensembles. Les logements sont tous individualisés par quelques détails, tout en respectant un vocabulaire unifiant l'ensemble. Enfin, les couleurs chaudes confèrent une image presque méridionale.
Loin de l'uniformité et de l'austérité de certaines grandes opérations des Trente Glorieuses, le Village Lobau est un exemple d'urbanisme à la fois dense et convivial, où dès l'origine, les habitants se sont appropriés le lieu, prenant par exemple l'initiative d'y développer la présence de la nature.
SALIGNON Bernard, "Habiter le village Lobau", in Diagonal, n° 58, février 1986.
CONAN Michel, Composer les différences : les logements boulevard Lobau à Nancy, Alain Sarfati architecte, évaluation à plusieurs voix, Paris:Plan Construction, 1987.
DEPOUTOT Nicolas, « Le village Lobau », in La Semaine de Nancy, n°134, du 25 au 30 octobre 2012, p.18.
Alain Sarfati architecte, Paris:Du Layeur, 1997.
Situé entre le boulevard Lobau, très urbain, et le canal plus pittoresque, le Village Lobau est une illustration probante des bouleversements que connaissent l’architecture et l’urbanisme au cours des années 1980. L’architecte parisien Alain Sarfati, auteur de nombreuses références de logements collectifs, livre ici une vision de l’architecture où l’humain et l’urbain sont au centre des préoccupations.
Dernier quart du XXe siècle (1975-2000)
- Alain SARFATI Architecte
Découvrez nos articles liés à cette réalisation
