La ville de Creutzwald, située dans le bassin houiller lorrain, comptait déjà plusieurs cités ouvrières avant le second conflit mondial. Elle poursuit son extension après-guerre afin de loger une main-d'œuvre toujours plus nombreuse. C'est dans ce contexte que les Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), société nationalisée en raison de l'importance donnée au charbon à cette époque, engagent l'architecte Emile Aillaud pour réaliser de nouveaux ensembles de logements.
Associé à l'ingénieur Charles Bihl, il conçoit dès 1946 la cité Bellevue, dont le programme prévoyait à l'origine 550 maisons ainsi que des équipements collectifs (école, commerces, église), non réalisés. Sur un terrain en forte pente orienté au sud, l'architecte imagine des rangées composées de maisons de différents types. Couvertes d'un toit à simple pente pour certaines, elles s'ouvrent aux vues et à la lumière naturelle. Pour ce faire, il rejette les modèles lorrains traditionnels et s'inspire de réalisations nordiques, en particulier celles du quartier Soholm édifié à Klampenborg (Danemark) par l'architecte Arne Jacobsen.
L'ensemble regroupe 330 maisons disposant de terrains individuels d'environ 600 mètres carrés. Le tracé des voies de circulation suit la topographie du terrain et chacune d'elles dessert une rangée de maisons. En utilisant ainsi le dénivelé du site, l'architecte ménage des découvertes et des points de vue inattendus tout en préservant l'intimité et l'individualité des habitants. Il innove en s'opposant en cela aux cités ouvrières rectilignes que la région connaissait jusque-là.
Individuelles ou jumelées, les six typologies de maisons conçues par Emile Aillaud comptent 2 à 4 pièces. Elles sont construites à l’aide de modules standards préfabriqués en béton, parés de gravillons et larges d'une trentaine de centimètres. La hauteur de ces modules correspond à celle d'un étage, soit 275 centimètres. La rapidité du chantier est vantée dans la revue d'audience nationale "L'Architecture d'aujourd'hui", où l'opération est présentée à plusieurs reprises.
Les plans donnent une grande importance au séjour : l'espace de vie familial, ouvert face à la pente, profite de la vue et de la lumière. Aillaud conçoit des cloisons épaisses accueillant des placards afin de faciliter la vie domestique des habitants. Il prévoit également des pièces de services utiles à la vie de campagne : celliers, remises, abris pour animaux d'élevage. Ainsi conçues et intégrées dans leur site verdoyant, les maisons associent fonctionnalité et poétique bucolique.
"Cité ouvrière de Creuzwald - Emile Aillaud, architecte", L'Architecture d'aujourd'hui, n°6, mai-juin 1946
LEFRANCOIS Dominique et LANDAUER Paul, Emile Aillaud, Paris : Editions du Patrimoine, collection Carnets d'architectes, 2011.
L'architecte des Trente Glorieuses Emile Aillaud s'est positionné à contrecourant de ses contemporains, y compris dans la réalisation de grands ensembles à Nanterre, Bobigny ou Forbach. Dominés par des lignes courbes, ils se démarquent également par leurs façades colorées. A Creutzwald, il réalise dans l'immédiat après-guerre une cité-jardin de plus de 300 maisons dans laquelle il met en pratique ses idées concernant l'habitat individuel. Il en résulte un ensemble architectural cohérent aux façades en béton préfabriqué et aux silhouettes caractéristiques.
Reconstruction et Trente Glorieuses (1945-1975)
- Charbonnages de France
- Houillères du Bassin de Lorraine (HBL)
- Société houillère de Sarre et Moselle
- Émile AILLAUD Architecte
- Charles BIHL (Ingénieur)
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