Comme l'ensemble de l'arrondissement de Château-Salins, le village rural de Moyenvic est lourdement touché par les bombardements alliés de la Seconde Guerre mondiale. Détruit à plus de 80%, il nécessite d'urgence la reconstruction de logements et de fermes. C'est à Louis-Gilles Bureau, nommé architecte d'opération sur ce secteur par le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU), que revient cette tâche. De formation académique au travers de ses études d'architecte à l'École des Beaux-Arts de Paris dans les années 1930, il a également nourri son attrait pour la modernité lors de son passage à l'Institut d'Urbanisme au début des années 1940. Pour concevoir le modèle de ferme employé à Moyenvic, Gil Bureau s'appuie sur les réflexions hygiénistes menées au début des années 1920. La salubrité recherchée repose notamment sur l'apport de lumière naturelle, l'aération et la ventilation des locaux, l'approvisionnement en eau potable et la gestion des eaux usées. La dédensification et la dissociation des usages entre habitation et activités agricoles (stabulations, porcheries, écuries, réserves) sont de mise, remettant en cause le modèle vernaculaire de la ferme de village lorraine. Implantés autour d'une cour dans les dents creuses au cœur du tissu bâti ou en périphérie du village, les corps de logis et bâtiments agricoles composant les fermes de Gil Bureau répondent à une logique fonctionnelle. L'architecte y emploie un modèle de grange - la "grange type Bureau", reconnaissable à sa volumétrie singulière due à sa charpente. La structure en treillis de cette dernière dégage un espace de stockage optimal et permet de larges débords de toit protecteurs. A l'emploi de matériaux locaux traditionnels et économiques (maçonnerie de moellon enduite, charpente bois et tuiles de terre cuite), Gil Bureau associe les atouts du béton dans une écriture architecturale sobre et moderne, en accord avec l'esprit de la Seconde Reconctruction.
Fonctionnelle dans sa conception, la ferme de Gil Bureau simplifie et optimise l'organisation du travail agricole, tout en permettant de moderniser la vie domestique de l'exploitant.
Le plus souvent dissocié des autres constructions dans une composition éclatée de la ferme, le corps de logis se démarque par l'omniprésence de la maçonnerie enduite de ses façades. Établie sur une cave semi-enterrée formant soubassement, la partie habitable se développe sur deux niveaux et accueille les mêmes éléments de confort qu'un logement urbain : cuisine fonctionnelle et salle de bains alimentés en eau potable, latrines, chambres à l'étage. Les lignes directrices de la composition moderne des façades sont créées par la modénature saillante des encadrements de baie et appuis de fenêtre en béton préfabriqué, parfois rehaussée d'une peinture blanche. Les proportions des fenêtres s'élargissent au profit d'un meilleur apport de lumière naturelle. L'entrée, dont la présence est renforcée par un emmarchement, un changement de matériau ou de texture d'enduit, apparaît comme un élément majeur de la composition. Elle peut être située en retrait ou comprendre un auvent afin de ménager une transition entre l'espace privé et l'espace public. Dans certains cas, un balcon aux lignes sobres confère à ces façades un aspect plus urbain.
Cette grange se distingue en premier lieu par sa haute sihouette évasée et la mixité des matériaux qui la composent. Son rez-de-chaussée, réalisé en maçonnerie enduite, accueille les étables et forme le socle sur lequel s'appuie l'impressionnant volume charpenté du fenil. Souhaitant proposer un espace de stockage optimal pour le fourrage et la paille, Gil Bureau augmente les capacités d'accueil du fenil, grâce à sa charpente en treillis permettant de limiter les points d'appuis et de créer de généreux porte-à-faux latéraux. Ce volume est bardé de planches de bois à l'horizontale dans la majorité des cas ; parfois, les pignons sont maçonnés et enduits. Comme pour le corps de logis, l'écriture moderne s'exprime au travers du traitement des baies, éléments préfabriqués en béton, aux proportions horizontales et généralement regroupés.
GLOC Marie, "L'architecture rurale de la Reconstruction dans le canton de Vic-sur-Seille", Les cahiers lorrains : Actes des Journées d'études mosellanes, n°1/2, janvier 2006.
GLOC Marie, "Louis-Gilles, dit Gil Bureau, architecte de la reconstruction en Moselle", Pays Lorrain, 110e année, vol 94., décembre 2013, p. 363-366.
Les fermes réalisées par l'architecte Louis-Gilles Bureau, dit "Gil" Bureau, à Moyenvic constituent un exemple original d'architecture rurale conçue dans le contexte de la Seconde Reconstruction. Par leur composition et la forme singulière de leur grange, elles participent pleinement à l'expression de l'identité du village et témoignent d'une réflexion sur les profonds changements sociaux et l'évolution des pratiques agricoles en cette période d'après guerre.
Reconstruction et Trente Glorieuses (1945-1975)
- Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU)
- Commune de Moyenvic
- Louis-Gilles, dit "Gil" BUREAU Architecte
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