Le Nancy des années 1930 est encore largement dominé par les conceptions traditionnelles de l'habitat. Les demeures bourgeoises reprennent des plans conventionnels et se parent souvent d'une abondante ornementation Art déco. Une minorité d'architectes aspire à davantage de modernité. Influencés notamment par diverses revues parisiennes, ils profitent des potentialités du béton armé, repensent les intérieurs et rompent avec l'ornementation. Parmi cette minorité novatrice se trouve l'architecte Georges Vallin, fils de l'ébéniste Art nouveau Eugène Vallin.
Cette villa est son oeuvre majeure. Elle est construite en 1933 pour Frédéric André Colbert-Beaulieu qui souhaite résider à proximité immédiate de son usine de talons à chaussures. Cette pratique est fréquente dans ce quartier de faubourg, à l'écart du centre, où se mêlent logements, activités artisanales et petites productions industrielles.
Pour cette villa, l'architecte Georges Vallin fait des choix esthétiques et techniques tout à fait novateurs à l'époque en Lorraine.
L’édifice se présente comme un volume géométrique étagé, associant un bow-window latéral et un corps principal couverts d’un toit-terrasse. Cette asymétrie dynamise la composition. On devine l’escalier sur la façade latérale droite par une série de percements verticaux tout à fait originaux. Sur jardin, des balcons filants offrent un accès extérieur à toutes les pièces.
L’architecte refuse toute ornementation, lui préférant des contrastes de textures entre les surfaces d’enduit moucheté et la ferronnerie. Il prend soin de dessiner le numéro de rue en reprenant des typographies à la mode à l’époque et intègre discrètement la boîte aux lettres. Une plaque rappelle les noms de l’architecte et de l’entrepreneur, selon une pratique courante avant la Seconde Guerre mondiale.
L’emploi du béton armé autorise les nombreuses et larges baies ouvrant les façades. Ce matériau est sans doute associé à une maçonnerie plus conventionnelle en moellon calcaire enduit. Le béton permet également de couvrir la demeure d'un vaste toit-terrasse accessible (80 m²). A l’intérieur, la distribution est moins innovante, reprenant des dispositions héritées du XIXe siècle.
MARSEILLE Gilles, Nancy Art déco, Un patrimoine de la Communauté urbaine, Metz : Les éditions du quotidien, 2015.
MARSEILLE Gilles, Urbanisme et architecture domestique de l'Entre-deux-guerres à Nancy et dans son agglomération, Thèse de doctorat, Université de Lorraine, 2013.
La villa Colbert-Beaulieu, dessinée par l'architecte Georges Vallin en 1933, est la résidence d'un industriel de la chaussure. Elle constitue alors à Nancy l'une des démonstrations les plus évidentes des principes modernes permis par les nouvelles techniques de construction. Le béton armé autorise en effet de très larges percements, d'amples pièces à vivre, une profusion de balcons et, plus rare à Nancy, un vaste toit-terrasse accessible de plusieurs dizaines de mètres carrés. Ce sont précisément ces balcons et terrasses qui confèrent à cette demeure une silhouette géométrique et dynamique du meilleur effet à l'époque.
Entre-Deux-Guerres (1918-1939)
- Famille COLBERT-BEAULIEU (Fabricant de chaussures)
- Georges VALLIN Architecte
- Valli-Grosjean (Entrepreneur)
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