Durant la seconde moitié du XIXe siècle, le quartier entre la Meurthe et le canal connaît un fort essor industriel attirant des industries renommées, comme les verreries Daum ou la firme Alstom, et des équipements édilitaires comme les abattoirs. La production de farine au bord du cours d'eau est, quant à elle, attestée depuis le XIIe siècle.
La famille Vilgrain rachète en 1884 une minoterie existante sur le Bras Vert de la Meurthe pour en faire un complexe d’échelle industrielle. Une nouvelle minoterie est construite sur les plans de Pierre Le Bourgeois entre 1913 et 1917. D’après les archives, plusieurs silos en béton sont ensuite édifiés dans les années 1920-1930. Le silo de déchargement le long du canal en fait vraisemblablement partie. Les Grands Moulins Vilgrain, incendiés par les Allemands en 1944, sont reconstruits par l’agence nancéienne de Jacques et Michel André en 1946.
Alors que les industries désertent peu à peu le quartier dès les années 1960, les rives du canal et de la Meurthe connaissent de grandes inondations et deviennent pour partie de simples friches. Dans les années 1980, la Ville de Nancy se lance dans la reconquête du quartier, confiant le plan d’urbanisme à Rémy Butler et Alexandre Chemetoff. Cela aboutit à de multiples démolitions dans les années 1990. Les Grands Moulins, partiellement en activité, sont eux-mêmes menacés. Le silo, plus modeste en taille, est un des derniers témoins du passé industriel du quartier. En 2001, les architectes Alain Cartignies et Marie-José Canonica entreprennent sa reconversion en logements.
Le long du canal, le silo reconverti dresse sa haute silhouette dans le contexte bâti hétérogène propre à cet ancien quartier industriel, entre maisons ouvrières du début du XXe siècle et immeubles d’habitation des années 2000.
Deux cellules de stockage à l’arrière et le bloc d’ateliers-machines à l’avant ont pu être conservés. La façade principale, la plus ouverte et élancée, est encore de nos jours surmontée d’un fronton orné de céramique à l’effigie des minoteries Vilgrain. D’aspect sculptural et massif, l’ensemble accueille, sans y paraître, quatre logements, du simplex au triplex.
Selon les architectes Cartignies et Canonica : « La forme des appartements a été déduite à partir des potentialités distributives du monolithe existant. Il en résulte une architecture à la fois rude et raffinée, où s’empilent des cubes d’espaces très diversifiés, ouvrant des vues larges et hautes sur le paysage tranquille du canal. Une travée libérée en rez-de-chaussée permet l’accès au parking aménagé en fond de parcelle. Grâce à un doublement des pans de verre, les fenêtres des appartements, à l’arrière-plan, n’altèrent en rien l’identité des grands percements de la façade. Les bétons, nettoyés et réparés, ont gardé leur patine. Toutes ces dispositions ont permis de conserver le caractère industriel de l’édifice et son « historicité », précieuse dans ce quartier à la mémoire fragile. »
Le quartier Meurthe-Canal de Nancy a connu d’importants remaniements depuis les années 1980, effaçant quelque peu les traces de son passé de faubourg industriel. Une intervention contemporaine subtile a permis de préserver le caractère originel du silo des minoteries Vilgrain tout en lui conférant un nouvel usage d’habitation, faisant ainsi honneur à la mémoire des lieux.
Entre-Deux-Guerres (1918-1939)
XXIe siècle (2000-...)
- Société civile immobilière (SCI) du Silo
- Cartignies-Canonica Agence d'architecture chargée de la reconversion