Construite à la fin des années 1950, l'église Saint‐Martin l'Évêque de Corny‐sur‐Moselle est l'un des quatre édifices religieux mosellans dûs à l'architecte Georges‐Henri Pingusson (érigés entre 1955 et 1963). A l'instar de celles de Borny, Fleury et Boust, la réalisation de l'église de Corny s'inscrit dans un programme de reconstruction et d'agrandissement du parc des édifices cultuels porté par le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU), le département ayant été particulièrement touché par les bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces églises cristallisent l'aboutissement de la réflexion de l'homme de l'art en matière d'architecture religieuse, initiée dès les années 1930 dans le cadre des "Chantiers du Cardinal", destinés à reconquérir les banlieues ouvrières de Paris. Du projet de l’église de Jésus-Ouvrier à Arcueil (non réalisé), G.-H. Pingusson reprend à Corny la disposition en plan carré, la mise en valeur de la nef par une coupole cernée d'un bandeau de lumière.
Suite à la destruction de l'église de Corny-sur-Moselle, l'absence de lieu culte adapté au sortir de la guerre oblige le curé à célébrer la messe dans une chapelle provisoire en bois. La construction d'un nouvel édifice est sollicitée dès 1950 par le Conseil de fabrique et le Conseil municipal, avec le souhait de le voir démarqué des habitations et pourvu d'un clocher élancé. Les travaux, supervisés par les architectes messins Henri Drillien et Pierre Fauque, sont entrepris en octobre 1957 et s'achèvent trois ans plus tard. L'église est consacrée le 22 mai 1960 en présence de Monseigneur Louis (vicaire général), de M. Paul Goret (maire du village) et de l'abbé Goester (curé de la paroisse). Quant au programme iconographique, seul un vitrail sur les quatre prévus par l'architecte fut réalisé.
L'église Saint‐Martin-l’Evêque est érigée à environ cent mètres de l'emplacement de celle détruite par les bombardements alliés. L'édifice et ses abords, au caractère paysager marqué avec son large parvis planté et sa grotte, occupent un îlot bordant la rue de Metz (ancienne nationale 57 reliant Metz à Nancy), au cœur du village ; également en relation avec le tissu urbain remanié, il s'ouvre sur la place du Souvenir, à proximité de la mairie.
L'église est composée à partir d'un plan carré de 25 mètres de côté, orienté traditionnellement selon un axe Est-Ouest. Adossé contre un épais mur de moellons abritant une galerie de liaison entre l'espace liturgique (autel), le campanile et la sacristie, ce volume couvert de toitures à faible pente met en valeur la dimension horizontale de l'édifice, révélant ainsi la présence de la coupole et contrastant avec la verticalité affirmée du campanile. Le mur structure également l'organisation intérieure du volume, à partir de l'espace liturgique. Celui-ci est en relation directe avec le mur tant dans son implantation, perpendiculairement à son axe de symétrie, que dans leur position commune en podium. A partir de ce noyau centré se greffent en premier la nef, englobant dans son volume l'autel et le chœur, puis les bas-côtés et le narthex, en périphérie. Ces deux espaces, la nef et les bas-côtés/narthex, illustrent dans leurs caractéristiques différenciées la notion de parcours spirituel développée par G-H Pingusson. Les bas-côtés et le narthex, cernant la nef, demeurent dans la pénombre, faiblement éclairés par des claustras en pavés de verre blanc. Délimités par une série de poteaux en béton armé laissés brut de décoffrage, ils sont couverts de voûtes surbaissées dont l'axialité répétée conduit avec force vers l'autel. L'espace de la nef contraste par sa hauteur sous-plafond nimbée d'une vive lumière, sa dimension centrée marquée par le plan carré dans lequel s'inscrit la coupole, que supportent quatre poteaux - en rappel aux quatre évangélistes. La conception de la coupole, en forme de lentille, est une prouesse technique : elle se compose de deux voiles minces en béton armé ne nécessitant pas la confection d'une épaisse ceinture périphérique de reprise. Elle accueille ainsi une série de bandeaux composés de vitraux colorés diffusant la lumière sur sa surface convexe intérieure.
Cette église a également la particularité de disposer de deux entrées latérales, implantées de chaque côté du volume principal aux lignes rigoureusement orthogonales. Les fonctionnalités annexes (les deux vestibules, la sacristie, la chapelle de semaine) sont accueillies dans de petites volumétries accolées à celui-ci. Elles se démarquent par l'emploi de murs courbes.
PINGUSSON Georges-Henri, « Construire une église », L'Art sacré, novembre 1938, n° 35, p. 315-318.
TEXIER Simon, « Georges-Henri Pingusson. Quatre églises en Lorraine », Le Moniteur architecture, n°154, octobre 2006, p. 137-140.
TEXIER Simon, Georges-Henri Pingusson, coll. « Carnets d'architectes », Paris, 2011.
http://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_PINGU.
Construite par l'architecte Georges-Henri Pingusson, l'église Saint-Martin-l'Evêque est composée à partir d'un plan carré adossé contre un épais mur de moellons. Associée à celle élancée du campanile aux lignes modernes, la forte présence du mur ancre l'édifice dans son site, au cœur du village - le long de sa traversée. Comme à Boust, l'espace de la nef est magnifié par une coupole en béton armé. Son ingénieuse structure en forme de lentille permet de distiller une lumière indirecte contrastée par rapport aux bas-côtés, volontairement laissés dans la pénombre. Ainsi, la lumière guide les pas du visiteur dans son parcours spirituel.
Label Patrimoine du XXème siècleReconstruction et Trente Glorieuses (1945-1975)
Dernier quart du XXe siècle (1975-2000)
- Paroisse de Corny
- Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU)
- Commune de Corny-sur-Moselle
- Georges-Henri PINGUSSON Architecte
- Henri DRILLIEN Architecte d'opération
- Pierre FAUQUE Architecte d'opération
- Serge KETOFF Ingénieur/structure de l'église
- Henri-Edouard NAVARRE (Sculpteur, verrier)
- Louis-René PETIT (Peintre verrier)
- RIZETTO (Entreprise)
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